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Rencontre avec un agent d’escale commercial

Rencontre avec un agent d’escale commercial

Rencontre avec un agent d'escale commercial
Mis en ligne le mercredi 3 septembre 2008 ; mis à jour le samedi 7 juin 2008.

Publié dans le numéro IX (mai-juin 2008)

Passagers désorientés
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Le passager, dès qu’il arrive dans l’aéroport, il est stressé, il est pas à l’aise. Quand il est chez lui il sait où sont rangées ses pâtes, mais il arrive dans un aéroport... enregistrement, embarquement, alors ces deux mots-là il les confond à chaque fois, un siège couloir fenêtre, ils comprennent une fois sur deux. Dès qu’il arrivent dans un aéroport, ils sont perdus, faut leur prendre la main pour les amener en porte d’embarquement et les laisser au personnel navigant pour qu’il puisse les asseoir sur les sièges. Et donc on nous demande les toilettes, la Poste, c’est ça on fait dame-pipi. Où sont les toilettes ? La signalétique est pas très bonne effectivement, mais c’est comme partout, au cinéma, c’est marqué où sont les toilettes. L’espace est tellement grand pour eux qu’ils savent pas où prêter l’attention, les panneaux tout ça ils les regardent pas, le panneau peut être à deux mètres, ils vont quand même demander. C’est curieux.


Bagages et sécurité
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Donc les gens nous présentent le passeport, le billet et nous on doit vérifier s’ils ont le visa. La police ne fait pas ce travail-là. C’est toujours délicat de prendre le passeport d’une personne... après c’est des menues informations en fait. Mais c’est toujours gênant. Ne serait-ce que quand on nous présente un bagage, on doit s’assurer à l’intérieur que y a pas des matières dangereuses, si y a je sais pas un fusil, des cartouches, de la lessive, c’est interdit d’avoir de la lessive dans le bagage parce que c’est un détergent et ça peut brûler en l’air. À chaque fois les personnes elles sont troublées qu’on leur demande ça. Alors forcément, avec les Français c’est Mais c’est du n’importe quoi ! Mais arrêtez, est-ce que j’ai la tête d’un terroriste ? Mais un avion c’est une bombe volante. Après y a des choses qui sont un peu indiscrètes. Souvent sur les vols Afrique, et donc les passagers africains, ils ont toujours des grosses quantités de bagages, et ça dépasse toujours, donc on est amené à leur dire bon ben écoutez vous payez la franchise, la pénalité. Donc qu’est-ce qu’ils font ? Ils ouvrent la valise devant nous, et puis alors là ça va des petites culottes, ça passe au fromage, ça passe au paquet de riz, je sais pas, au moteur, aux roues, ça part dans tous les sens en fait. À chaque fois c’est la surprise.


Incidents et surbooking
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Des incidents y en a tout le temps dans un aéroport, y a jamais un bon fil conducteur. Un vol qui est annulé, que ce soit pour la météo, pour un problème technique, un problème de sécurité... Et en général ces vols-là, ça fait boule de neige. Après, toutes les compagnies aériennes font du surbooking. On enregistre la personne et elle peut tomber en liste d’attente. Donc la personne devra attendre la clôture du vol pour savoir si elle va partir. On va regarder les plus gros tarifs en priorité par rapport aux tarifs cacahuète, et puis aussi les cartes de fidélité, les grands voyageurs vont être protégés par rapport à des gens qui ont des cartes basiques. Y a les contraintes économiques qui passent les premières.


Agressivité
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Ceux qui ont réservé un hôtel ou un bateau ou qu’ont un voyage avec un tour operator, les débarquer c’est extrêmement difficile. C’est : comment on va lui annoncer ça ? sur quel ton on va le faire ? là y a toujours du stress. Parce que en fait c’est : quelle va être sa réaction ?, c’est surtout ça en fait. On a une petite formation, on nous apprend à débarquer des gens, on t’apprend la technique, on va te demander d’élaborer une argumentation plausible, et en gros c’est toujours les mêmes mots qui reviennent. De toute façon faut pas dire « surbooking », maintenant on a changé, c’est « surréservation », il faut appeler la personne par son nom parce qu’elle se sent plus concernée... Voilà c’est du management à l’américaine. Mais on nous apprend pas à gérer le stress quand on se fait insulter... parce que souvent c’est agression verbale et ça va des fois même jusqu’à l’agression physique. Donc voilà on sait que des fois quand y a des vols où on va débarquer trop de personnes, qu’on connaît le type de clientèle, on appelle la police, pour nous protéger un peu. C’est souvent les vols qui sont sur l’océan Indien, c’est les îles, l’île Maurice, Saint Domingue et Punta Cana, en général c’est des beaufs et des nouveaux riches, qui n’ont pas de manières, d’éducation, qui sont extrêmement virulents, et qui peuvent être violents ouais. Sur les vols États-Unis aussi... c’est des vols un peu chauds. Les passagers russes c’est pas des passagers faciles, ils sont pas violents, mais là y a la difficulté de la langue, donc euh... le ton monte, mais dans deux langues différentes. J’ai vu quand même quelqu’un recevoir un clavier d’ordinateur sur la tête. Une fille qui a failli se faire étrangler aussi. Après on sait qu’on a... mais j’ai pas envie d’en parler parce que c’est catégoriser les gens, enfin ça existe, on est obligé de le faire, mais en fait moi j’espère toujours qu’y aura une surprise en fait.

 

 

 

 

 

Odeurs et bizarreries
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Des fois y a des passagers qui sentent mauvais. On peut ne pas les embarquer, on leur dit d’aller se laver et de revenir. C’est délicat mais on est obligé de le faire. L’autre jour ça m’est arrivé, un type qui voyageait en classe affaires et qui me dit, bon je vous préviens, je veux personne à côté de moi, je me suis pas lavé depuis trois semaines et j’ai peur dans l’avion, je vomis. J’ai besoin de me lever tout le temps. J’ai dû mettre une remarque dans le dossier, attention, le passager sent mauvais... Ou par exemple un passager qui est ivre, c’est trop dangereux. Quand y a des Russes, on est obligé d’interdire l’alcool à bord. Les personnes... qu’on pense qu’elles pourraient être dangereuses parce qu’elles ont un comportement particulier devant nous, agressif, hystérique... Un jour un type il était dans la file d’attente et tout d’un coup il nous fait des chorégraphies à la Kamel Ouali, il était tout seul hein et puis il s’arrête, il avance et quand il s’est retrouvé devant le comptoir, il a refait une autre chorégraphie... Voilà faut repérer les personnes qui peuvent être dangereuses.


Expulsions
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Tous les jours y a des expulsions. Alors des fois c’est assez terrible, ce sont les premiers à embarquer et donc des fois quand y a un embarquement qui est dit au contact, quand l’avion est juste au bout de la passerelle, y a des scènes de hurlements de personnes qui veulent pas rentrer dans leur pays, et donc ça crie, et donc je me sens mal parce que je me retrouve devant 400 passagers qui sont en train de me regarder qui assistent à cette scène et qui vont prendre l’avion et de voir que ce type-là il peut faire n’importe quoi dans l’avion même s’il est accompagné par des flics, et effectivement après y a des mutineries à bord, des émeutes sur les vols Afrique, enfin y a eu à un moment et ensuite la législation est devenue plus et les gens se révoltent beaucoup moins. Après je me dis : est-ce que c’est pas mieux que de les mettre dans un charter où y aura personne pour vérifier en un sens comment elles vont être traitées ?


Manque d’information
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Ce qui est stressant aussi c’est l’encadrement qui est oppressant, c’est les techniques de management, on n’est que du bétail. Je travaille vraiment dans l’inconnu, je sais pas où je vais et moi ça me stresse. Ne serait-ce que quand un vol est annulé, on nous dit voilà le vol est annulé mais on va pas nous donner la raison, donc on sait pas quoi annoncer aux passagers. Mais nous on doit faire tampon, on doit dire si si patientez, tout va bien, vous inquiétez pas. C’est tout un système, tout n’est pas relayé en fait. Nous on est en fin de boucle et donc on sait rien. Et puis on veut pas rendre les gens trop intelligents aussi, on veut pas leur donner trop d’informations. En fait on délègue, on renvoie les gens à d’autres. Ils s’énervent sur le coup et puis en fait ils évacuent, ils vont se balader et faire autre chose.

Y a des très bons moments aussi avec les passagers, quand le passager arrive et est content de partir, il a eu toutes les informations. On va avoir juste un sourire ou un au revoir monsieur et c’est déjà bien dans cette société, d’avoir ça.

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