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11bis. Kurdes de Turquie

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11bis. Kurdes de Turquie

11bis. Kurdes de Turquie
Mis en ligne le jeudi 3 mai 2007 ; mis à jour le lundi 10 septembre 2007.

Publié dans le numéro I (avril 2007)

Le kémalisme

C’est en 1923, avec le traité de Lausanne et l’arrivée au pouvoir de Mustafa Kemal dit « Atatürk » que le face-à-face entre Kurdes et Turcs commence. L’Empire ottoman, multiethnique, avait favorisé les Kurdes, qui tenaient en quelque sorte le rôle de gardes-frontières avec la Russie, l’Iran et les Arméniens. Une milice de cavalerie kurde au service du sultan Abdul Hamid II, les Hamidiye, est ainsi lourdement impliquée dans le massacre des Arméniens, qui vivaient en partie dans les mêmes régions que les Kurdes. Entre 1919 et 1923, des Kurdes participent pour la plupart aux guerres de reconquête kémaliste. Lorsque Mustafa Kemal arrive au pouvoir et devient Atatürk, « père des Turcs », il ne clame pas son hostilité envers les Kurdes. Mais en très peu de temps, le dessein nationaliste du kémalisme va bouleverser le statut des Kurdes de Turquie.

Rappelons que l’inspiration du kémalisme, c’est la Révolution française de 1789. La Turquie adopte l’alphabet latin, donne le droit de vote aux femmes, sépare la religion de l’État... : une Turquie moderne, laïque, une et indivisible,se construit. Mais adopter le principe « un pays, une langue, une nation », sur un pays qui est un creuset de peuples, de langues et de religions ne se fait pas sans heurts.

Cyniquement, on peut dire que Mustafa Kemal ne peut pas éliminer les Kurdes car ils sont trop nombreux et de confession musulmane sunnite : les Kurdes sont une « trop grande » minorité, et occupent un bon quart du territoire, le Sud-Est du pays. Très vite, le nationalisme turc s’apparente à l’élimination des minorités, ou du moins à une « assimilation », de gré ou de force. Parmi les slogans du kémalisme : « Est fier celui qui peut se dire Turc ». La politique d’assimilation se transforme en une négation de l’existence des Kurdes : les termes « Kurdistan » et « Kurde » sont interdits, ainsi que l’usage public de leurs langues. Pour qualifier les Kurdes de Turquie, les autorités ont recours aux périphrases « nos frères de l’Est », « nos compatriotes du Sud-Est », « les Turcs des montagnes »... Parallèlement, Mustafa Kemal mène une politique de turquisation du Kurdistan, en peuplant la région de non-Kurdes et en forçant des Kurdes à quitter leur terre (« lois de déplacement » de 1925, déportant des Kurdes dans des régions de l’Ouest du pays).

 

Öcalan et le PKK

Le PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan) a été créé en 1978. Abdullah Öcalan en devient le leader incontesté. C’est cet ancien étudiant en sciences politiques qui a lancé la rébellion dans tout le Kurdistan turc à partir de 1984. Öcalan fait du PKK une formation marxiste-léniniste, prenant modèle sur la Chine de Mao Zedong. Son objectif est l’indépendance d’un Kurdistan réunifié par la lutte armée, ainsi que la « révolution socialiste ». Le PKK recourt à l’action violente, s’attaque aux Kurdes rivaux ou à la bourgeoisie locale et tente d’imposer par la force sa suprématie au Kurdistan de Turquie. « Le PKK a brandi la bannière du marxisme-léninisme, non pas que la population kurde de Turquie soit communiste, ni même les chefs du PKK, mais pour une raison géostratégique. À l’époque, le Kurdistan turc était géographiquement en contact avec l’URSS et abritait des bases militaires américaines. Alliée des États-Unis et pivot du flanc sud de l’Otan, la Turquie représentait une sérieuse menace pour les Soviétiques. Abdullah Öcalan et l’état-major du PKK ont donc misé sur le soutien de l’URSS pour mener à bien leur lutte armée, car toute rébellion sans le soutien d’une puissance extérieure est condamnée à l’anéantissement. Pour les Kurdes, le seul moyen de gagner militairement était d’avoir l’appui de l’URSS. Ce calcul politique n’a pas été judicieux car le soutien de Moscou n’est jamais venu ! » explique ainsi Bernard Dorin [1]. Le PKK a été rebaptisé Kadek en 2002, puis, en novembre 2003, « Congrès du peuple du Kurdistan » ou Kongra-Gel.

Les Faucons de la liberté (ou TAK), groupe terroriste, seraient une émanation récente du PKK - ce que dément ce dernier. Tout au long de sa carrière, Öcalan s’est construit un véritable culte de la personnalité. Les purges ont été nombreuses au sein de l’organisation. Jusqu’à son arrestation en février 1999, à Nairobi, avec l’aide des services secrets américains, celui que ses partisans appellent « Apo » (« l’oncle ») demeure le symbole de la rébellion kurde en Turquie. Sa capture semble avoir porté un coup fatal au PKK. Abdullah Öcalan a été condamné à mort, peine qui s’est vue commuée en détention à perpétuité. La Cour européenne des droits de l’homme a réitéré en 2005 sa décision de condamner la Turquie (2003) pour « procès inéquitable » d’Öcalan.

 

Extrêmisme

Le 12 février 2007, le journaliste turc d’origine arménienne Hrant Dink a été assassiné à Istanbul par un extrêmiste. Dink avait plusieurs fois fait l’objet de poursuites au titre de l’article 301 du Code pénal turc. Son assassinat a été vivement condamné par le gouvernement actuel, dont le Premier ministre, Recep Tayyip Erdogan, a déclaré : « Les balles tirées sur Hrant Dink l’ont été sur nous [...] Hrant Dink était un fils de ce pays ».

Deux semaines après cet assassinat, le plus célèbre des écrivains turcs, Orhan Pamuk, prix Nobel de littérature en 2006, a quitté la Turquie pour les États-Unis. Officiellement parti pour ses activités culturelles, ce voyage ressemble à un exil. L’écrivain a été menacé par des nationalistes extrémistes, dont l’un des commanditaires présumés du meurtre de Hrant Dink. Poursuivi par la justice de son pays pour « dénigrement de l’identité nationale turque » après avoir affirmé dans un magazine suisse en février 2005 : « Un million d’Arméniens et 30000 Kurdes ont été tués sur ces terres, mais personne d’autre que moi n’ose le dire », Orhan Pamuk avait vu les poursuites abandonnées début 2006.

En Turquie, quelques dizaines d’intellectuels bénéficient d’une protection rapprochée. Certains artistes kurdes, très appréciés des foules, se sont vus menacés par les ultra-nationalistes.Le journaliste et musicien turc Zülfü Livaneli relatait en novembre 1999, dans quotidien Sabah, le climat de peur régnant en Turquie : « Mahsun Kirmizigül a participé en 1992 à un concert à Hambourg organisé par des immigrés originaires de Bingöl [province kurde]. Le fait qu’il chante en kurde, embrasse une écharpe aux couleurs kurdes offerte par le public, et puis sous l’effet de l’ambiance fasse le signe de la victoire en réponse aux spectateurs, a donné aux détenteurs de la cassette vidéo l’idée de lui faire du chantage. L’horreur est là. »

Ibrahim Tatlises, issu d’une famille kurde, est l’un des chanteurs les plus populaires de Turquie et du Moyen-Orient. Il a fait l’objet d’une campagne de boycott et de menaces de la part des milieux nationalistes après avoir chanté une chanson en langue kurde. Le BBP (parti ultra-nationaliste) a, en décembre 2002, demandé à ce que l’artiste « s’excuse devant la nation ».

 

Turgut Ozal 

La répression contre les Kurdes a connu un répit durant la présidence Ozal, au début des années 1990. De mère kurde, Turgut Ozal est le premier président turc (1989-1993) à avoir manifesté un début de compréhension à l’égard des Kurdes. « Il milite alors pour un infléchissement de la négation du fait kurde. Il faut lui rendre au moins cet hommage. Il est mort dans un accident d’hélicoptère, le 11 avril 1993. Beaucoup d’observateurs ont vu la main des militaires dans le sabotage de son hélicoptère... » affirme ainsi Bernard Dorin [2].

Les affrontements dans le sud-est du pays, mais aussi la guerre en Tchétchénie, ont alors été l’occasion pour certains citoyens turcs d’affirmer leur identité kurde ou caucasienne, « ce qui s’inscrit dans un mouvement de fond qui est la (re)découverte de l’ethnicité [3] ». Gilles Dorronsoro rappelle que dès ces années-là, toutes les bonnes librairies des grandes villes ont un rayon « kurde », « alévi », etc. ». Les journaux et livres en kurde, « théoriquement illégaux, [étaient] en fait disponibles dans le Sud-Est et dans les grandes villes où réside une population kurde [4] ».

 

Leyla Zana

Quatre anciens députés du DEP [Parti de la démocratie, pro kurde, dissous en 1994] ont été libérés après dix années d’emprisonnement en juin 2004, afin de satisfaire aux critères de l’Union européenne en matière de droits de l’homme. Parmi eux, Leyla Zana. Première femme députée kurde, Leyla Zana a été emprisonnée pour avoir prononcé en kurde, lors de la séance d’ouverture de la session parlementaire d’Ankara à l’automne 1991 : « Moi, j’accepte cette cérémonie constitutionnelle au nom de la fraternité des peuples kurde et turc ». Leyla Zana déclarait [interview parue dans l’E.D.J., 24 mars 1994, disponible sur www.chris-kutchera.com] : « Je ne crois plus à ce Parlement. Le rôle de ce Parlement, c’est de couvrir l’action de l’État, de l’armée, de la police. Au-dessus du Parlement, il y a les membres du conseil de sécurité nationale, qui prennent les décisions. » En 1995, le Parlement européen lui avait attribué le prix Sakharov des droits de l’homme pour son combat en faveur de la reconnaissance de l’identité culturelle kurde.

 

Langues et médias

Le 9 juin 2004, pour la première fois dans l’histoire de la république de Turquie, la radiotélévision d’État (TRT) diffusait des programmes en kurde, deux ans après le vote d’une loi autorisant les émissions dans les langues des diverses minorités du pays. La TRT diffuse désormais des émissions en bosniaque, en arabe ou en circassien. « La radio diffuse un programme en kurmandji, dialecte de la majorité des Kurdes de Turquie, et vers 10 heures la télévision retransmet, toujours en kurmandji, un bulletin d’informations nationales, des programmes sur les sites historiques du pays, des documentaires et des clips de musique. Ils ont été diffusés deux jours plus tard en zaza, autre dialecte kurde. Des émissions qui ne sont guère passionnantes. En outre les mots «kurde» ou «langue kurde» ne sont toujours pas prononcés ni dans les émissions ni d’ailleurs dans les textes officiels. [...] «Peu importe qu’il n’y ait pour le moment que 30 minutes par semaine, peu importe le contenu. Un tabou a été brisé et l’État a reconnu notre langue après quatre-vingts ans de résistance », estime Umit Firat [écrivain kurde].

Ce jour-là, la municipalité de Diyarbakir, la plus grande ville du Sud-Est anatolien à majorité kurde, avait installé un grand écran sur la place de la ville pour célébrer le »kurde officiel«. « C’est un bon départ car nous croyons que bientôt ces émissions seront prolongées et qu’elles répondront aux besoins des citoyens kurdes», affirme Osman Baydemir, maire de Diyarbakir, d’autant plus optimiste que ce même jour étaient libérés les quatre ex-députés kurdes, dont Leyla Zana ». (Libération, 19 juillet 2004)

Les Kurdes de Turquie qui possèdent une antenne satellite avaient déjà par ailleurs la possibilité de regarder au moins les trois chaînes de télévision en kurde : celles de Barzani et de Talabani qui émettent depuis l’Irak et celle de Medya TV, proche du PKK, et qui émet depuis Bruxelles. Une loi de mars 1991 autorise l’usage de la langue kurde en privé, et le gouvernement Erdogan a autorisé l’ouverture d’écoles privées kurdes. Actuellement, la langue turque serait parlée en public par une grande majorité des Kurdes vivant en ville, l’usage du kurde étant prédominant dans la sphère privée [5].

 

 

Développement économique

Une des sources du conflit serait l’état de pauvreté du sud-est de la Turquie. D’où les aides financières qui se succèdent. Ainsi le GAP (Güneydogu Anadolu Projesi, Programme régional de développement de l’Anatolie du Sud-Est, cf. Tigre n°16, été 2006), gigantesque projet d’irrigation de la région qui comprend la construction de 22 barrages dont le fameux barrage Atatürk, entré en service en 1992. Le projet est censé contribuer au développement de la région. Mais il a aussi suscité des mécontentements : les lacs de retenue ont rayé une centaine de villages de la carte, provoquant le déplacement des populations. Le PKK considère le projet comme une entreprise de « colonisation turque » du Kurdistan. Et le GAP profite surtout à la région d’Urfa et de Gaziantep où le PKK n’a jamais été très implanté.

« Aujourd’hui, affirme Bernard Dorin, les Turcs construisent de grands barrages sur le haut Tigre et le haut Euphrate en pensant vouloir régler l’irrédentisme kurde... C’est une grande illusion [6]. » Mais on ne peut nier que le désœuvrement des jeunes dans certaines régions a joué en faveur de la rébellion.

Un reportage de Thierry Oberlé à Diyarbakir (Le Figaro, mai 2006), où une révolte a eu lieu au printemps 2006) est éloquent : « L’apparition d’une nouvelle génération de manifestants prêts à en découdre a également influé sur l’enchainement des violences. Sans emploi, les jeunes en colère ont, pour la plupart, grandi avec un grand frère ou un parent tué durant la sale guerre. Ils végètent à Ali Pacha et Fatih Pacha, des bidonvilles où s’entassent les réfugiés chassés au début des années quatre-vingt-dix des villages rasés par l’armée. Chaque jour ils traînent autour de la mosquée centrale près du bazar. «Si tu vas crier sur la grande place ‘Apo, Apo’ (le surnom d’Öcalan) tu as tout de suite cent cinquante personnes qui se rassemblent pour crier avec toi», note Samet, un chauffeur au chômage. Il insiste sur l’accumulation des frustrations. «Il n’y a rien à faire ici. Si rien ne change, ceux qui ne peuvent pas partir chercher du travail à Istanbul, Ankara ou Izmir auront la tentation de monter au maquis». »

 

La constitution kurde

La Grande Assemblée nationale de Turquie, chambre unique du Parlement, est élue tous les cinq ans au scrutin proportionnel avec répartition des restes à la plus forte moyenne. L’âge requis pour être député est de trente ans. En 1995, des amendements constitutionnels ont porté le nombre de députés à cinq cent cinquante et abaissé la majorité électorale à dix-huit ans. Pour être représenté au Parlement, un parti doit présenter des candidats dans au moins la moitié des provinces du pays et obtenir un minimum de 10% des suffrages. Cette disposition rend extrêmement difficile l’accès au Parlement des formations politiques kurdes. La Constitution turque stipule que le Premier ministre doit également être député. La loi turque oblige à une modification du gouvernement en place pendant la campagne électorale.

Les ministres de l’Intérieur, de la Justice et des Transports doivent être remplacés par des personnalités indépendantes et les autres membres du gouvernement choisis parmi les groupes parlementaires. La Grande Assemblée nationale de Turquie élit pour cinq ans le Président de la République à la majorité des deux tiers des députés aux deux premiers tours de scrutin et à la majorité absolue au troisième tour. Un quatrième tour peut être organisé si aucun candidat n’obtient la majorité absolue.

Le mandat du président est non renouvelable. Il a des pouvoirs considérables pour un chef d’État qui n’est pas élu au suffrage universel. Il peut notamment dissoudre l’assemblée et contester la constitutionnalité des lois. À l’exception notable de Celal Bayar (1950-1960), la fonction de président a été occupée par des militaires jusqu’en 1989.Existe également en Turquie le Conseil de sécurité nationale, présidé par le Président et composé des quatre chefs d’Armée, du chef d’État-major, du Premier ministre et des vice Premiers ministres, ainsi que des ministres de l’Intérieur, des Affaires étrangères et de la Justice. La prochaine élection présidentielle se tiendra en mai 2007, suivie des législatives en novembre 2007. Le Premier ministre est nommé par le président de la République parmi les vainqueurs des élections législatives. Il doit être député.

 

 

Les élections de 2002 et 2007

Ahmet Necdet Sezer est le président de la République de Turquie depuis le 16 mai 2000. Il n’est lié à aucun parti politique. Ce candidat-surprise a été élu au troisième tour de scrutin par les cinq grands partis dans la crainte d’un nouveau coup d’État si le parlement ne se mettait pas d’accord sur un nom - ce qui était arrivé en 1980. Le président Sezer est un ancien magistrat, président de la Cour constitutionnelle depuis 1998. Peu connu, il s’est rendu populaire par son train de vie modeste et sa simplicité, et son opposition à l’armée : par deux fois, il a refusé de signer un décret-loi inspiré par les militaires qui permettait de licencier un fonctionnaire sur le simple soupçon d’une sympathie islamiste ou pro-kurde.

Ahmet Necdet Sezer est farouchement laïque : en 1998, il a prononcé l’interdiction du Refah, parti islamiste. Il s’est également déclaré en faveur de droits culturels pour les Kurdes. Le président tente aujourd’hui de donner un nouvel élan au processus démocratique en vue de l’intégration de la Turquie dans l’Union européenne. Le Parti de la justice et du développement (AKP), parti « néo-islamiste » créé sur les cendres du Refah, a réalisé une percée inattendue, remportant 34,2% des suffrages exprimés aux législatives de 2002, soit près de 10% de plus que ce que les enquêtes d’opinion prévoyaient. C’est la première fois qu’une formation « néo-islamiste » obtient la majorité absolue au Parlement et peut donc diriger seule le pays. L’AKP fait son entrée au sein de la Grande Assemblée nationale aux côtés du Parti républicain du peuple (CHP), la plus ancienne formation politique du pays, créée en 1923 par Mustafa Kemal.

En raison de la loi électorale fixant à 10% le pourcentage de suffrages requis pour qu’un parti entre au Parlement, le Parti démocratique du peuple (DEHAP), formation pro-kurde, ayant recueilli 6,5% des suffrages au niveau national, et plus de 40% des voix dans les principales villes du Sud-Est anatolien, n’est pas représenté au Parlement. Plus encore que le succès des néo-islamistes, les législatives de 2002 ont consacré l’effondrement de l’ensemble des partis traditionnels. La victoire de néo-islamistes constitue en outre un défi pour la communauté internationale, qui doit accepter l’arrivée au pouvoir de l’AKP.

 

Tecep Tayyip Erdogan

Tayyip Erdogan (AKP) a été nommé Premier ministre en mars 2003. Recep Tayyip Erdogan est le chef de l’AKP et le véritable vainqueur des élections de 2002, mais il avait été empêché de se présenter aux législatives en raison d’une condamnation pour délit d’opinion, pour avoir prononcé en public, en décembre 1997, des vers de Ziya Gökalp : « Les minarets sont nos baïonnettes, les coupoles nos casques et les mosquées nos casernes ». Erdogan avait alors été emprisonné et déchu de son fauteuil de maire d’Istanbul. N’étant pas député, la constitution lui interdisait en outre de devenir Premier ministre. C’est la nouvelle assemblée, où l’AKP est majoritaire, qui l’a autorisé à se présenter à l’élection partielle du 9 mars 2003 à Siirt, une ville du Sud-Est anatolien peuplée en majorité de Kurdes. Il y a été élu triomphalement (85 % des voix). Erdogan, né en 1954, est issu d’une famille pauvre et religieuse. Il a milité dans sa jeunesse au Milli Görus (la Voie nationale), organisation islamiste de Necmettin Erbakan, son mentor politique. Il a suivi ce dernier au Refah (le Parti de la prospérité), qui est devenu lors des législatives de 1995 la première force politique du pays.

Depuis, Erdogan a fondé, en 2001, l’AKP, parti du développement, dit « néo-islamiste ». Maire d’Istanbul jusqu’en 1997, Erdogan doit sa forte popularité à sa campagne anti-corruption et au nettoyage des rues de l’ancienne capitale ottomane. Il a entrepris la restauration des mosquées anciennes, datant de l’époque ottomane, comme celles de Ahmet Fatih et de Bayazid. On lui doit également l’amélioration de la circulation entre les deux rives du Bosphore.

La Commission européenne s’est déclarée « prête à coopérer » avec l’AKP, en soulignant son attachement à la poursuite des réformes engagées par la Turquie : « Nous devrons juger le prochain gouvernement turc à ses actes. Si nous prenions des décisions ou faisions des déclarations sur le simple fait qu’un parti est islamiste, modéré ou pas, nous ferions une grande erreur », a déclaré Javier Solana, Haut représentant de l’Union européenne pour la politique étrangère et de sécurité commune.

 

Erdogan et les Kurdes

À l’occasion de sa visite à Diyarbakir, principale ville du Sud-Est anatolien, en août 2005, le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, a prononcé durant une heure un discours sur la « question kurde », et a reconnu que des « erreurs » ont été commises dans le passé par les gouvernements précédents : « Nier les erreurs du passé ne sied pas aux grands États. Un grand État et une nation forte se tournent avec confiance vers l’avenir en se confrontant à leurs fautes et à leurs erreurs. C’est avec ce principe à l’esprit que notre gouvernement sert le pays. [...] Le problème kurde n’est pas le problème d’une partie de notre peuple, mais le problème de tous. C’est donc aussi le mien. Nous allons régler chaque problème avec encore plus de démocratie, plus de droits civils, et plus de prospérité, dans le respect de l’ordre constitutionnel » et du principe « un seul État, une seule nation, un seul drapeau ».

Le Premier ministre a rappelé les « trois lignes rouges » à combattre : le « nationalisme ethnique », le « nationalisme régional » et le « nationalisme religieux » : « Il y a dans notre pays de nombreuses composantes ethniques. Nous ne faisons aucune distinction entre elles. Elles constituent chacune une sous-identité. Il y a un lien qui nous unit tous, et ce lien est la citoyenneté de la République de Turquie. [...] Je le dis à nouveau, la Turquie, c’est autant Ankara, Istanbul, Konya, Samsun, Erzurum que Diyarbakir. Je veux que vous le sachiez, chaque endroit de ce pays a des parfums, des couleurs, des voix, des musiques, et des saveurs différentes ».

Erdogan a réitéré son engagement à ne pas faire machine arrière dans le processus de démocratisation du pays, tout en luttant contre le terrorisme. Interpellé par une personne dans la foule qui a crié « nous voulons des usines », Erdogan a répondu : « Quel est le sens de la « Loi d’Encouragement » que nous avons fait voter ? Nous voulons que les hommes d’affaires de Diyarbakir qui investissent à l’Ouest du pays, investissent aussi un peu ici. Nous avons voté cette loi pour encourager les hommes d’affaires, en particulier ceux de nos provinces de l’Est et du Sud-Est, à investir ici. Il n’y a aucun impôt durant cinq ans, [...] Que voulez-vous de plus ? Nous faisons tout cela. Ne vous habituez pas à la gratuité. Nous allons travailler, tous ensemble, pour développer le pays. »

 

 

NOTES

[1] Bernard Dorin, Entretien avec Julien Nessi, in Les Kurdes. Destin héroïque, destin tragique, éd. Lignes de repères, 2005. Extraits publiés sur www.diploweb.com.

[2] Entretien avec H. Borzalan, L'Histoire, n° 235, 1999.

[3] Gilles Dorronsoro, Les Kurdes de Turquie, Études du CERI, n° 62, janvier 2000.

[4] Gilles Dorronsoro, Les Kurdes de Turquie, Études du CERI, n° 62, janvier 2000.

[5] Gilles Dorronsoro, Les Kurdes de Turquie, Études du CERI, n° 62, janvier 2000.

[6] Bernard Dorin, Entretien avec Julien Nessi, in Les Kurdes. Destin héroïque, destin tragique, éd. Lignes de repères, 2005. Extraits publiés sur www.diploweb.com.

Sites

www.infokurd.com

www.institutkurde.org

www.tetedeturc.com

www.kurdistan.org (American Kurdish Information)

Le Monde Diplomatique (février 1996, décembre 1997, décembre 1998)

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